Le cimetière du fur et à mesure
soB
Poésies
Heure d’été
Soleil de nuit
Au matin, les brumes vagissent
La gélatine colle aux yeux
Ça va aller de mieux en mieux
Ça va aller
Sauf le couvre-feu, les narcisses
sur l’Aubrac, étaient un peu froids, pareil
Plus tard, il fera jaune
Écarte les boues
Lève-toi
Le petit triomphe
L’eau tremble
Sauter le long, grande princesse
L’eau scintille intrinsèquement
Émail, Monet
Monnaie qui ruisselle, ange en pièces
L’eau est dorée, l’or est sanglant
Five o’ clock
Le trou dans l’arbre, y entrer
La terre secouée, bulbes disparus, prendre leur place
Le hêtre l’arbre, maison aux tuiles transparentes, s’y abriter
L’appartement du troisième, rideaux à peine et derrière la vitre une lanterne et trois bougies, frapper, s’y installer
Le canal dessus, brindilles, hélices d’érable, bouteilles, plonger pour voir dessous, les poissons muets
L’anguille qui ouvre le bec, lui proposer une tasse de thé
Sais-tu que les fourmis cherchent sous les sapins des terres à l’envers ?
Histoire naturelle, les souterrains
Car dessous les sapins poussent parfois des mondes inversés et les étoiles alors y sont si basses, si basses, que les galeries qui coulent vers elles, noires et rondes et scintillantes de petits morceaux de regards roux de renards, d’éclats de céramique et de vieux sous tombés des poches ; les galeries en forme de bouche étonnée puis d’œsophage, tapissées de scarabées bleus et d’arbres dressés tracés par de longs vers souples ; les galeries profondes qui sentent le feu, la nuit et la glace grise qui suit les comètes, les galeries ne finissent pas.
La frondaison
Nous tombons peu à peu au pied noueux des arbres
Et le cou renversé
Les yeux à peine ouverts sur trop d’oiseaux tremblants
Nous rêvons d’alphabet
De roses, de montagne
De l’étreinte des chiffres à l’onde des feuillages
Et de l’été
Chroniques
C’est un jardin abandonné, parmi d’autres comme lui, juste entourés de vagues clôtures désormais désuètes.
Ils se ressemblent tous un peu, mi-verger, mi-voyou, ébouriffés d’herbe jaune, de tiges sèches, de squelettes d’ombelles ; tachés de mousses, piqués de rouille, hérissés d’églantiers et d’épine-vinette.
Celui-là borde le chemin et il serait presque accueillant si quelques ronces à mûres n’en protégeaient l’accès. Je m’y risque et je m’y enfonce. Bientôt, un petit pommier me masque le ciel, tapissant le beau bleu pur de ses jeunes feuilles étonnées.
Mon Dieu, j’avais douze ans et je rêvais ma vie au bord d’un fruitier comme ça, qui souriait.
Malzéville, quartier Trinité-Libremont, le 30 mai 2003
« Où qu’on va payer ?
Oh, j’en sais rien, où tu veux, allez…»
Il la bouscule, elle titube, se rattrape à lui qui titube à son tour. Ils partent alors tous les deux dans un grand rire fort qui tousse et aux caisses, les longues files de caddies bourrés se retournent avec leurs yeux écarquillés et dedans un peu de gêne, un peu de doute et un peu de réprobation. Le couple n’a pas de caddie, même pas de panier rouge en plastique, pas besoin. L’homme tient juste à la main une bouteille de vin premier prix pour entretenir cette foutue ivresse prompte à s’atténuer. Plus tard, je les retrouverai à la sortie du magasin, emmenés par des vigiles vers un local marqué Privé et ils riront toujours autant, avec leur bouteille entre eux, comme un enfant.
Nancy, supermarché Auchan boulevard Lobau,
le 17 novembre 2003